ALBATROYS (tome 1) | Jean-Marc LIGNY

Les citations sont tirées de cette édition.

La Terre, déclarée planète interdite après sa contamination, a été abandonnée par ses habitants en 2133. Ceux-ci se sont disséminés dans la galaxie où ils ont recréé une civilisation dominée par la religion.

En auteur averti de science-fiction, Jean-Marc LIGNY construit un univers avec une histoire, une structure sociale et politique, une religion, un lexique et … beaucoup d’humour et de dérision.

L’édition de référence est celle de 1991 publiée aux éditions « Fleuve Noir » (Anticipation, n°1846).

Le tome 1 de ces « Chroniques des Nouveaux Mondes », le seul retenu ici, décrit les tribulations du jeune Isaac de Samarie dans ses rapports houleux et hallucinés avec la foi chrétienne. Ses aventures se passent sur Canaan, planète improbable où les jours durent 19 heures et les mois 48 jours.

A 18 ans, Isaac, croyant fidèle, comprend qu’on le voue à la prêtrise. Il fuit son destin et part à la recherche de la jeune fille qu’il aime. Hélas, celle-ci est au couvent où elle a été vendue par ses parents.

Il est hanté par de nombreuses visions et cite, abondamment, la Bible. Le roman est d’ailleurs truffé de références bibliques jusqu’à satiété.

Les trois religions du Livre sont unies, dans ce nouveau monde, au sein d’une unique « Nouvelle Maison de Dieu ».

Heureusement pour lui, face à la pression religieuse assurée par une Inquisition redoutable, Isaac capte Albatroys, le réseau télépathique secret qui énonce les vérités permettant d’échapper aux injonctions divines et aux superstitions ecclésiastiques.

Cette connaissance sera utile au jeune homme, alors qu’il découvre l’étendue des turpitudes assumées par les maîtres des églises à l’abri des couvents où croupissent, pour la satisfaction de leurs désirs, tant de jeunes filles droguées.

« Il y a quelque chose de pourri dans la Nouvelle Maison de Dieu (…) La grande prostituée se vautre au sein des lieux saints ! » (p 34)

Avec la luxure, le luxe et la richesse gangrènent les allées du pouvoir religieux :

        « Ainsi j’appris que Gabriel III, Pape, Grand Rabbin et Commandeur Suprême de tous les Croyants, Ange de la Nouvelle Maison de Dieu, possédait une fortune personnelle estimée « officiellement » à 612 milliards de mégacristaux, trois astéroïdes (…), une ligne transpace personnelle, un important pourcentage d’actions dans les cinq plus grosses entreprises multiplanétaires… » (p 30)

Pourchassé par l’Inquisition, le jeune héros, dénonciateur des mœurs des chefs de l’Eglise, fuit d’une ville à l’autre. Il est blessé, emprisonné mais aussi sauvé par ses visions. Ses révélations sont diffusées sur les médias et provoquent crise et chaos.

      « DE LA PROSTITUTION SUR CANAAN ?

        Les Sœurs de la Rédemption démentent et crient à la calomnie

        L’ARCHEVEQUE DE IERHU-SHALAIM IMPLIQUE » (p 68)

Isaac se sortira de situations désespérées et d’aventures rocambolesques avec naïveté et candeur. Il parviendra même à quitter Canaan pour une autre planète, aidé par une superbe jeune femme qui promet de faire de lui, encore si innocent, un homme accompli.

Ce premier volet du parcours d’Isaac vers la liberté se clôt sur cette promesse entrevue.


Le roman de Jean-Marc LIGNY n’est certes pas une œuvre maîtresse de la Dystopie malgré ses ambitions, mais il a le mérite de poser, dès 1991, la problématique de la religion et de ses abus.

De façon légère, humoristique, l’auteur avance une opinion parfois malaisée à défendre :

« Tout pouvoir, par nature, engendre la corruption. Et la religion – toute religion – est le plus corrompu des pouvoirs. » (p 89)

Après les révélations récentes sur les turpitudes, bien réelles, du catholicisme (pédophilie généralisée, réseaux de pouvoir au sein du Vatican, abus sexuels sur les religieuses voire prostitution des nonnes), on ne peut qu’être interpellé et convaincu par le thème choisi par J.-M. LIGNY, il y a près de 30 ans.

Sa connaissance de la Bible et des autres religions ne font que nourrir son propos comme la dérision qu’il démontre ne peut que réjouir.

Petit roman donc, en marge de la dystopie, mais qui a toute sa place dans la section sur La religion « aliénante ».

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