L’œuvre de George ORWELL, de son vrai nom Eric Arthur BLAIR, est LE roman dystopique par excellence. Emblématique d'un courant littéraire, « 1984 » constitue le fondement de la critique...
LireUn court roman qui rend compte du refus du collectivisme russe exprimé par une diplômée de l’université de Saint-Pétersbourg. Ayn Rand a compris très tôt que la Révolution Bolchevique prendrait de sinistres couleurs.
Née Alissa Zinoviesna Rosenbaum en 1905, elle suit son père, pharmacien, en Crimée. Lorsque l’Etat confisque les biens de la famille, la jeune fille profite d’un visa temporaire pour s’installer définitivement aux États-Unis.
Naturalisée en 1931, elle élabore, dans le contexte américain, sa philosophie politique construite sur l’individualisme et le « laisser-faire ». Celle-ci inspire les courants ultra libéraux jusqu’à aujourd’hui.
Avant son œuvre phare de 1957, » La Grève « , qui marquera la pensée outre-Atlantique, son roman, « Hymne », publié en 1938 en Grande-Bretagne et en 1946 aux USA révèle déjà les caractéristiques de sa vision du monde. Celle-ci fustige le « collectif » et tout ce qui bride l’épanouissement de la personnalité individuelle.
Le texte est remarquable par la place qu’il occupe dans la dystopie anti-totalitaire. Il figure parmi les premiers du genre et prend la suite du pionnier Eugène Zamiatine et de son œuvre prémonitoire de 1920, » Nous ».
On peut noter qu’un jeune auteur français, Christopher Franck, rendra hommage en 1967 à Ayn Rand dans son roman « Mortelle ».
LE CONTEXTE
Après la Grande Révolution et la disparition puis l’oubli des Temps anciens devenus Interdits, la société est profondément différente.
L’individu en tant que singularité n’existe plus. Il fait partie d’un tout comme élément interchangeable et non différencié. Il n’a pas de nom seulement un indicatif avec un numéro. Il est semblable aux autres et c’est ce qui le rend heureux. Et puisque l’individu n’existe pas en tant que personne, on n’utilise jamais le « je » mais systématiquement le « nous ».
La critique du communisme soviétique est bien sûr sous-jacente.
Sans individu identifié, il n’y a pas non plus de famille. Les enfants sont élevés ensemble dès la naissance .
« Tous en un et un en tous » ( page 9).
À partir de 5 ans. ils quittent la « Maison des Enfants » pour rejoindre la « Maison des Etudiants ». A 15 ans, le Conseil des Vocations leur choisit un travail.
A partir de 20 ans pour les garçons et de 18 ans pour les filles, les jeunes gens sont envoyés , au printemps, pour une nuit dans le Palais de l’Accouplement. Là, « chaque homme se voit assigner une femme par le Conseil d’Eugénisme « (page 35).
Et donc, » des enfants naissent tous les hivers mais les femmes ne voient jamais leurs bébés et les enfants ne connaissent pas leurs parents »(page 35) .
Une seule attitude est exigée: absence de choix et rejet de toute préférence.
Le passé est banni à jamais , rien n’a existé avant la Grande Révolution .
Pour conclure, une seule vérité s’impose :
« Les hommes ne sont qu’un et il n’existe aucune autre volonté que la volonté collective » (page 10).
L’INTRIGUE
Le héros et narrateur, Egalité 7-2521, se distingue par sa curiosité, son intelligence, son individualisme. Il est souvent puni car, plus grand que la moyenne, il se fait remarquer.
Trop brillant, lorsqu’il sort de la formation imposée à tous, il est intégré à une « brigade de balayeur des rues » et certainement pas dans la caste de ses rêves, celle des Érudits.
Sa vie est monotone voire sinistre. Il la dépeint dans un journal intime, ce qui est rigoureusement interdit.
Il se réfugie dans un lieu censé n’avoir jamais existé, découvert par hasard, un tunnel de métro datant des Temps Oubliés.
Il rencontre lors de son travail une jeune fille, Liberté 5-3000. Il la nomme « La Dorée », elle le nomme « L’Insoumis », bravant ainsi la règle de non-individualisation des êtres.
Le héros, toujours passionné par la science, découvre le moyen d’élaborer une forme de pile électrique. Mais la reconnaissance qu’il attend des Érudits pour sa découverte ne vient pas. Au contraire, il est vilipendé :
« Comment avez-vous osé (…) agir seul , penser seul et non en collectivité ? »( page 69).
Pour défendre l’usage et l’industrie des chandelles , les Érudits décident de détruire l’invention de l’Insoumis.
Celui-ci ne peut l’accepter, il s’enfuit vers la Forêt Vierge où il est rejoint par « La Dorée ».
Ils s’enfoncent toujours plus loin de la ville maudite, découvrant une maison d’autrefois. Ils s’y installent . Ils s’aiment et osent enfin utiliser le « je ».
Ils fondent une famille et envisagent de joindre quelques autres réfractaires qu’ils ont repérés dans leur vie précédente. Ils espèrent ainsi pouvoir créer un Nouveau Monde, fondé sur l’individu. Ils gravent au fronton de leur demeure le mot indicible de leur ancienne vie : EGO.
» Le mot qui ne mourra jamais sur cette terre, car il en est le cœur, le sens et la gloire » ( page 108).
CONCLUSION
« Hymne » illustre bien la condamnation sans appel, par l’autrice, du système soviétique imposé par la Révolution Bolchevique de 1917.
Après le cri de révolte de Zamiatine, la nouvelle de Ayn Rand cerne les causes du refus des totalitarismes par les démocraties, l’absence totale de respect de l’individu et de sa liberté par ces régimes.
Optimiste, l’écrivaine semble croire possible de bâtir un autre monde, celui qu’elle a trouvé en exil aux États-Unis, celui de l’Entreprise, du libéralisme, de l’individualisme absolu.
Elle propose ainsi les prémices de son système philosophique, synthétisé par un curieux concept: « l’égoïsme rationnel », concept qui oublie cependant le principe de solidarité.
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