SOUMISSION | Michel HOUELLEBECQ

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Les citations sont tirées de cette édition

Ce roman qui fit grand bruit à sa parution, procède plus de la politique-fiction que de la dystopie, même si par son aspect quelque peu visionnaire et les peurs contemporaines qu’il véhicule, il est couramment classé dans la rubrique des contre-utopies. 

L’action se situe en 2022, dans un contexte politique très proche de celui des années 2000/2012 puisque tous les personnages politiques ont l’identité de ceux de cette époque.

Le narrateur, François, universitaire désenchanté, est professeur de lettres à la Sorbonne. Il a, quinze ans plus tôt, soutenu brillamment une thèse sur Huysmans, écrivain et critique de la seconde moitié du 19ème siècle qui, à la fin de sa vie, s’est converti au catholicisme.

Le mal être et les préoccupations du narrateur sont mis en parallèle avec ceux de son auteur « fétiche ». Parallèle plus ou moins fortuit car Houellebecq a reconnu avoir d’abord écrit sur Huysmans et avoir ensuite inséré cette réflexion à son roman…

En réalité, même si les références à Huysmans alourdissent un peu le texte, elles s’intègrent au sujet par le biais du désenchantement et du recours au religieux.

François est à un tournant de son existence et s’interroge sur son avenir professionnel et amoureux. Le climat politique est, par ailleurs, morose, les partis traditionnels à droite comme à gauche ayant perdu toute crédibilité.

C’est dans ce contexte que se tiennent les élections présidentielles.

Elles se passent mal, un climat d’insécurité s’installe, des bureaux de vote sont vandalisés, des violences surgissent un peu partout entre Identitaires et jeunes musulmans djihadistes.

Le processus électoral est alors suspendu et reporté à la semaine suivante. Pendant cet intervalle, un certain nombre de hauts cadres de l’Administration sont limogés.

Pour faire barrage au FN et à Marine Le Pen, l’UMP et le PS se regroupent et proposent à un nouveau parti, la Fraternité musulmane, dont l’émergence est foudroyante, de s’unir au sein d’un « Front républicain élargi ».

Son dirigeant, Mohammed Ben Abbes, jeune intellectuel de 43 ans,

« sans doute le plus habile et le plus retors des hommes politiques que nous ayons connu en France depuis François Mitterrand » (p 162)

est qualifié de musulman « modéré ». 

 

Pour lui l’islam est « la forme achevée d’un humanisme nouveau, réunificateur » (p 159) .

Son programme vise à  transformer l’Union Européenne en la déplaçant vers le Sud et en y intégrant l’Algérie, la Tunisie, le Maroc, la Turquie et l’Egypte.

Dans une nouvelle Union réconciliée par l’islamisme, la Commission Européenne serait transférée à Rome, le Parlement à Athènes.

Mohammed Ben Abbes est élu et le gouvernement d’union nationale mis en place, unanimement salué comme un succès,

« Jamais un président de la république nouvellement élu n’avait bénéficié d’un tel « état de grâce » (p 208).

Son influence s’étend rapidement à tous les autres pays d’Europe.

Sur le plan intérieur, il entame la transformation du pays en commençant par l’enseignement, pilier central de la nouvelle société, et plus particulièrement l’université.

Le recteur en place est révoqué ainsi que les universitaires femmes et les professeurs qui ne font pas allégeance au nouveau régime. François reçoit ainsi un courrier lui signifiant que « les nouveaux statuts de l’université islamique de Paris-Sorbonne » lui interdisent d’y poursuivre ses activités d’enseignement ». Mais, universitaire brillant, reconnu pour ses travaux (il s’est vu confier l’édition de Huysmans dans la prestigieuse collection de La Pléïade), il lui est rapidement proposé de réintégrer son poste sous certaines conditions, bien entendu…

Le thème principal de Soumission repose sur la complicité des élites.

Flattés par le pouvoir, les enseignants font partie, selon l’expression même du recteur, de la catégorie des « mâles dominants », en raison de leur intelligence et ce statut leur vaut toutes sortes de privilèges financiers, sociaux, matrimoniaux, en contrepartie, bien sûr de leur conversion à l’Islam.

Le narrateur hésite mais se laisse peu à peu convaincre – corrompre – par les propositions alléchantes, tant financières (salaire triplé) que sexuelles .

« La loi islamique impose que les épouses soient traitées avec égalité, ce qui impose certaines contraintes, ne serait-ce qu’en termes de logement.  Dans votre cas, je pense que vous pourriez avoir trois épouses sans grande difficulté »  (p 309)

Dans ce schéma, la place faite aux femmes est pour le moins réduite et c’est, du point de vue intellectuel, censé être celui du narrateur, une des faiblesses du récit. Il constate ainsi, observant, lors d’un voyage en train, un cadre musulman et ses jeunes épouses :

« En régime islamique, les femmes – enfin, celles qui étaient suffisamment jolies pour éveiller le désir d’un époux riche – avaient au   fond la possibilité de rester des enfants pratiquement toute leur vie. Peu après être sorties de l’enfance elles devenaient elles-mêmes mères, et replongeaient dans l’univers enfantin. Leurs enfants grandissaient, puis elles devenaient grands-mères, et leur vie se passait ainsi ». (p 239)

Misogynie, dérision et cynisme s’affichent clairement en fin du roman :

« Je ne sais pas comment les informations sur la notoriété des enseignants circulaient, mais elle circulaient (…) Chacune de ces filles, aussi jolie soit-elle, se sentirait heureuse et fière d’être choisie par moi, et honorer de partager ma couche. Elles seraient dignes d’être aimées ; et je parviendrai, de mon côté, à les aimer. (…) Je n’aurai rien à regretter. » (p 315, dernières lignes du texte)  

Entre vision caricaturale de la religion islamique et notations humoristiques, on comprend les polémiques que ce livre a suscitées.

Toutefois, du point de vue de la dystopie, un second roman reste à écrire sur les implications économiques et sociétales qu’induirait ce type de régime.

Mais tel n’était pas visiblement le projet de l’auteur…

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