L’ENQUETE
Yakov Liebermann est contacté par un journaliste qui a obtenu l’enregistrement des conversations tenues lors d’un repas organisé par d’anciens nazis autour d’un chef incontesté qui se révèle être Josef Mengele, le docteur nazi de sinistre mémoire.
Le plan consiste à éliminer 94 pères de famille dans un ensemble de pays. L’enquête peut alors se mettre en place et suivre les tueurs dans leurs démarches. En contre-point, on assiste aux efforts de Mengele pour atteindre son but dans son repère de la jungle amazonienne.
L’intrigue fournit peu à eu les éléments nécessaires, de la révélation de la présence d’un enfant adopté dans chaque famille, à l’utilisation de fichiers d’adoption pour sélectionner les structures familiales adéquates et à la découverte d’enfants rigoureusement identiques.
Un professeur de biologie confirme les soupçons de Liebermann :
« L’enfant, quand il est né, n’a ni père ni mère. Seulement un donneur, celui qui a fourni le noyau dont il est l’exacte réplique génétique. Ses chromosomes et ses gènes sont les mêmes que ceux du donneur. Au lieu d’un nouvel individu unique, nous avons la répétition d’un autre qui existe déjà. » (p 194)
Dans le cas présent et afin que « l’acquis » ne détruise pas « l’inné », l’environnement social et affectif doit être semblable à celui du donneur puisque le but ultime est bien sûr de créer un nouveau « Fuhrer ».
La confrontation entre le médecin nazi et l’enquêteur juif est alors inévitable. Elle aura lieu chez l’une des victimes et fournira l’occasion à l’auteur de rédiger quelques scènes d’action mémorables.
Y. Liebermann est blessé mais curieusement le clone de A. Hitler, âgé de 13 ans, le sauve en livrant Mengele aux chiens du domaine quand il apprend la vérité sur ses origines. Liebermann est sauvé mais ne dit rien sur l’identité réelle du médecin ni sur celle des 94 clones.
Le roman se clôt sur un débat moral classique. Les activistes juifs jugent indispensable de liquider les clones, le « chasseur de Nazis », au contraire, considère que l’on ne peut tuer des enfants, même issus de l’ADN d’Hitler, car rien ne dit que les trois conditions d’apparition d’un nouveau nazisme soient réunies,
« Il faut trois choses : un Hitler, les conditions sociales… et les gens pour suivre un Hitler… » (p 277)
CONCLUSION
Ira LEVIN se révèle plutôt optimiste, même si les deux dernières pages laissent planer un doute. En effet, le clone qui a donné l’ordre aux chiens de dévorer Mengele semble imaginer avec délices de grandes manifestations d’adoration d’un chef, homme exceptionnel,
« un peu comme dans ces vieux films de Hitler » (p 282, phrase ultime)
La dystopie d’Ira LEVIN est davantage centrée sur le nazisme et sa résurgence que sur le clonage, mais les deux thèmes sont parfois liés. Ainsi, récemment, François SAINTONGE crée lui aussi un clone d’Hitler dans son roman « Dolfi et Marilyn » (2013). Certes le traitement qu’il privilégie est en apparence plus léger, mais l’ombre d’un néo-nazisme toujours menaçant y est bien présent, comme il l’était déjà dans le thriller de Ira LEVIN.
Le « devoir de mémoire » peut aussi prendre la forme de dystopies littéraires.