Rédacteur d'une autobiographie imaginaire dans un contexte particulièrement dystopique, l'auteur renoue avec une tradition ancienne, celle du manuscrit retrouvé et exhumé comme témoignage d'un passé révolu. Ce "Journal d'un vieux...
LireDès le préambule, J-P Andrevon décrit son projet : traiter “ ce vieux fantasme de la Terre libérée de l’Homme pour être rendu au reste de la Création”.
Après une pandémie mondiale, la planète est donc rendue à la végétation et au règne animal. Les rares survivants, octogénaires pour la plupart, parcourent les ruines comme ce vieux cavalier qui égrène ses souvenirs au sein de la Nature originelle et luxuriante.
Roman de l’écologie radicale, “Le monde enfin” renforce un courant très présent dans la littérature dystopique contemporaine qui avance, sans état d’âme, que la Terre serait si belle sans les hommes qui la salissent.
D’abord publié en 1975 sous forme de nouvelle, le texte a été remanié et développé par l’auteur sur plus de 600 pages. La publication, chez Fleuve Noir, date de 2006.
LE CONTEXTE
La planète subit, en quelques jours, une pandémie mortelle proche de la grippe aviaire.
C’était bien la fin, oui. La fin en 7 jours. Ni plus ni moins que la Création. p 494
On dénombre quelques survivants, incapables de se reproduire. Le roman décrit cette fin du monde et l’état du globe 50 ans après. La faune et la flore se sont régénérées et peu de place demeure pour l’humanité qui persiste.
Le gros roman décrit chronologiquement, la fin du monde connu, en 11 livres séparés par des intermèdes plus courts évoquant le cheminement d’un vieux cavalier sur les routes du Sud de la France.
Les descriptions, particulièrement détaillées et documentées, font du récit, à la fois, un cours de botanique, une étude fouillée de la faune et un précis de géographie. On peut suivre, village après village, ville après ville, le parcours du dernier témoin.
Quant aux 11 chapitres, ils retracent la vie de quelques héros représentatifs des évolutions sur un demi-siècle d’un monde finissant.
L’INTRIGUE
Les 11 séquences se suivent et s’emboîtent, les héros des premières se retrouvant dans les suivantes.
Ce roman commence par l’évocation de la tentative d’isoler dans des stations de survie enterrées quelques spécimens humains chargés de repeupler la Terre lorsque la pandémie sera achevée. Seul un survivant sortira de ces “Arches”, 50 ans après l’Extinction. Unique occupant de Manhattan, il rencontre une jeune femme, réelle ou fantasmée, afin de créer l’un des couples du futur.
Sur une seconde ligne romanesque, une petite fille, esseulée après la mort de ses parents, est recueillie par un scientifique, Sébastien Lequeu, dont on suit les aventures d’abord en Afrique où il perd la trace de la jeune fille devenue femme. Après des années de recherches infructueuses, le héros survit ensuite dans Paris désertée de toute vie humaine.
L’auteur livre alors une description hallucinante de la Capitale retournée à l’état sauvage, peuplée des descendants des animaux libérés des zoos. Les promenades dans ce nouveau Paris constituent sans doute l’un des moments les plus forts du roman.
De l’autre côté du fleuve murmurant, le Palais de Justice élevait sa pesante masse grise où des mouchetures vertes plus envahissantes de jour en jour mettaient des taches coquettes. Des nuées d’oiseaux blancs le survolaient en jacassant. P 213
Il trouva les hippopotames plus loin, une famille ayant élu domicile dans le square du Vert-Galant. Le dernier homme dans Paris, alors qu’il passait sous l’ombre tendue du Pont Neuf, les observa un instant à travers la largeur du fleuve. Les hippos piétinaient pesamment les pelouses en friche avant de se jeter de tout leur poids, qui était considérable, dans le lit de plantes eutrophiques… P 214
Il croisa un bison solitaire en traversant le Pont Royal majestueux et glacé. Le bison hésitait au milieu de la chaussée craquelée, ses naseaux palpitants humaient les odeurs évanescentes que rejetaient les vieilles pierres. P 215
C’est ce Sébastien Lequeu que l’on retrouve, 50 ans plus tard, en vieux cavalier, sur la route ultime qui doit le conduire à la mer.
Les intermèdes qui séparent les chapitres retracent la survie de ce vieillard jusqu’à sa mort.
Le troisième argument du récit évoque le désir d’enfant d’une femme mûre. Après de nombreux essais infructueux, celle-ci parvient enfin à enfanter. Elle se réfugie avec sa fille « destinée à être la mémoire du monde”, dans la cave d’un supermarché pourvue de réserves alimentaires. Après six ans de vie cloîtrée, elle décède et laisse sa fille seule qui, contre toute attente, fait alliance avec le peuple des rats de Paris.
Devenue adulte cette “princesse des rats” mène la guerre contre les 3 survivants d’un vaisseau spatial échoué en plein centre de la Capitale.
J-P Andrevon s’en donne à cœur joie pour décrire les batailles homériques entre les rats et les 3 humains rescapés. Un seul des spationautes survit, il capture la jeune femme, la sociabilise, s’en éprend et forme ainsi un deuxième couple pour repeupler la Terre.
Mon incroyable destin; celui du dernier homme qui rencontre la dernière femme. P 566
En fait, ce sont 4 couples qui ont survécu sur la planète. Ils doivent offrir une suite éventuelle à l’aventure humaine sur Terre. Mais, comme le dit la phrase ultime du roman, l’illusion n’est pas de mise : la grande nuit qui a avalé l’humanité n’est pas prêt de se lever.
CONCLUSION
Après 50 ans et la disparition quasi intégrale de l’humanité, la planète Terre semble avoir retrouvé un état de stabilité.
Pour cela, il a fallu qu’elle se vide de ses habitants.
Le message de l’auteur est clair, le véritable danger pour l’équilibre du monde est apporté par l’homme et sa civilisation.
Débarrassée de ce “cancer humain », Gaïa peut retrouver toute sa sérénité, enfin.
L’écologie radicale a trouvé dans ce roman l’un de ses plus curieux témoignages.
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