Roman du désenchantement, l’œuvre de Philippe TESTA doit beaucoup à la Suisse, patrie de l'auteur. Le texte relève d'un puissant contraste puisqu'il s'agit de décrire et d'analyser le choc que provoque dans un des mondes les plus policés d'Europe, la disparition de l'énergie électrique. L'auteur, dans ce futur proche, force...
LireEnquête politique et sociologique sur un avenir proche où les Etats-Unis perdent leur suprématie, ce roman résume avec humour toutes les craintes des américains d’aujourd’hui : les désastres écologiques ont fait disparaître les ressources naturelles, « la dette nationale a explosé, la Banque centrale n’arrive plus à produire assez de billets, le dollar dévisse, remplacé sur les marchés internationaux par une devise sino-russe » (4ème de couverture).
Les Etats-Unis sont en totale régression, dirigés par un président « latinos », mexicain en l’occurrence. Ce dernier interdit la possession d’or et la sortie du territoire. La pauvreté s’installe et 2029 ressemble de plus en plus à 1929, année de la Grande Crise. Le pays est déclaré en faillite.
Les Mandible, famille fortunée, vivent mal cette évolution. La pénurie règne et les courses au supermarché deviennent une entreprise quasi guerrière. L’eau se raréfie, la viande est absente des étals, le papier-toilette est rationné.
Les différents membres de la famille, illustration de chaque strate de la société américaine, se regroupent dans la même maison, dont ils finissent par être chassés par des voisins eux-mêmes à la rue.
Partis sur les routes, ils rejoignent l’un des leurs qui est fermier et reconstituent, à la campagne et dans le labeur paysan, le clan Mandible.
La société entière s’est écroulée, les USA sont devenus un état de seconde zone, les immigrés mexicains tentent de rentrer chez eux mais le Mexique a construit un mur pour les refouler.
Tout s’inverse, les américains sont pauvres et dominés par les nouveaux pays émergents et riches, jadis exploités.
La fable est réaliste et ironique. Elle s’appuie, parfois lourdement, sur la description des théories économiques, en particulier monétaires, ce qui n’allège pas toujours la lecture même si l’ensemble reste romanesque voire picaresque.
La descente aux enfers de la famille s’arrête lorsque l’un des membres, le jeune Willing, héros positif du roman, décide de fuir la nouvelle Amérique qui a exigé que chaque habitant se fasse poser, à la base du cou, une puce électronique reliée directement aux services fiscaux de l’Etat. Ce dernier connaît ainsi instantanément les revenus de tous, calcule et prélève les impôts (jusqu’à 75% des gains) et informe le résident des sommes encore disponibles. Avec ce système, l’argent liquide est devenu inutile et l’asservissement économique des américains est total.
Le héros, accompagné de sa grand-tante, excentrique écrivaine ayant vécu en France, trouve le salut dans la fuite. Ils rejoignent le seul état libre des Amériques, le Nevada, où règnent les règles économiques d’autrefois : liberté d’entreprendre, abandon des systèmes sociaux de protection, impôt uniforme pour tous limité à 5% des revenus !
Grâce aux lingots d’or dissimulés par la vieille tante, Willing retrouve un capital et une certaine aisance. Il recherche les membres du Clan et reconstitue celui-ci dans cet état libertarien, nouvelle utopie.
Le message apparent de l’auteure, Lionel SHRIVER, écrivaine née en 1957 en Caroline du Nord, est assez limpide : revenons aux temps chéris du Far-West, abandonnons les « médicare » et autres protections sociales toujours à l’origine d’un socialisme rampant, vive l’Or et les anciennes valeurs.
On retrouve les craintes de la société américaine blanche : le poids démographique des « latinos », la perte de valeur du dollar face à la montée de la puissance chinoise, la menace russe toujours présente, le socialisme inhérent à la protection sociale pour tous, la moindre possibilité de se défendre y compris par les armes.
Ce vieux fond libertarien, indissociable des convictions des électeurs de l’Amérique profonde, donne toute son actualité à ce roman classique mais troublant.
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