Ce très (peut-être trop) gros roman aborde la problématique de l'eau, ce bien essentiel qui, lorsqu'il vient à manquer, attise toutes les convoitises et pousse certains à en vouloir privatiser...
LireGENOCIDES | Thomas DISCH
Roman « mineur » post-apocalyptique qui possède une certaine originalité.
L’humanité disparaît, non pas après une catastrophe écologique liée à l’activité des hommes, mais après l’invasion par une Plante, semée par des extra-terrestres, nouveaux agriculteurs venus de l’espace. Pour eux, les terriens sont des parasites qui nuisent à l’implantation, la culture et la récolte d’une Plante.
Aujourd’hui, on pourrait considérer qu’il s’agit d’une critique métaphorique de l’agriculture intensive moderne, surtout américaine. Mais cette analyse est-elle pertinente pour la période d’écriture du roman (1965) ? On peut en douter.
Quoiqu’il en soit, « Génocides » n’est pas une dystopie mais bien un roman d’apocalypse, sombre, très sombre.
L’ARGUMENT
Péril inimaginable aujourd’hui, l’auteur choisit « l’invasion végétale » comme argument de fin du monde… Mais le végétal est ici réduit à l’essence même du genre, il se résume à une plante, une seule Plante, avec une majuscule.
« Les tiges géantes de la Plante s’élevaient à perte de vue, leur cime dissimulée par leur propre feuillage, leur vert tendre, palpitant, était immaculé et la Plante, comme n’importe quelle créature dotée de vie, refusait de s’accommoder de toute autre existence que la sienne. »(p 21)
« Partout où la Plante s’installait, il n’y avait plus assez de lumière, plus assez d’eau, plus assez de sol même pour autre chose. » (p 26)
Les villes disparaissent, la civilisation meurt, le programme mis en place par les extra-terrestres, dont on ne sait rien, est détaillé en trois pages.
L’incinération des habitations humaines est totale, les derniers mammifères rescapés, ultimes parasites, sont recherchés pour être détruits.
L’INTRIGUE
Seul un village survit, avec moins de 300 âmes et un chef tout puissant régnant sur une société archaïque, religieuse et féodale.
On assiste, bien sûr, à la lutte pour le pouvoir entre le Patriarche déclinant, les deux fils du chef, un nouveau venu, les femmes jeunes et âgées,…
Cette structure de « Horde primitive » est une constante des romans dystopiques, ce n’est pas l’aspect le plus novateur repris par l’auteur. Comme sont convenues d’autres composantes du récit, le cannibalisme (saucisses de viande humaine), l’inévitable histoire d’amour, la disparition progressive des survivants.
Pour relancer l’action, Thomas DISCH mène les dernières troupes dans les racines mêmes de la Plante. Elles y survivent mais en sont expulsées par la montée de sève du printemps.
La Plante résume tout, elle constitue un organisme unique et respecte
« l’esprit du vrai communisme : chacun fournit ce qu’il peut, chacun reçoit ce dont il a besoin. » (p 152)
Le cycle de sept ans étant révolu, la récolte est effectuée. Puis les extra-terrestres brûlent les restes végétaux selon la technique ancestrale de la « culture sur brûlis ».
La poignée de survivants, avec son nouveau chef, croit pouvoir reprendre sa place, celle de l’homme,
« Tout cela leur semblait très beau car ils croyaient que le cours naturel des choses – naturel c’est à dire le leur – était sur le point d’être restauré. » (p 250)
mais déjà un nouvel ensemencement est engagé et les jeunes pousses de la Plante apparaissent.
L’épilogue tranche le débat et proclame « l’extinction de l’espèce ».
« La Nature est prodigue. Sur une centaines de plantes, une ou deux seulement survivraient ; sur une centaine, une ou deux.
Mais pas l’homme . » (p 253)
La désespérance est totale, la dystopie atteint son point ultime. Pas de société nouvelle, pas d’organisation sociale réformée, puisque aucun homme ne demeure sur la planète.
En 2008, après une carrière littéraire importante, Thomas DISCH se suicidait.
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