Roman prophétique publié en 1972 et œuvre ultime d’un auteur né en 1902, LA FIN DU REVE propose un véritable réquisitoire contre les dérives du monde occidental et un bréviaire pour les militants écologistes.

De structure éclatée, le récit de P. WYLIE rassemble des notes personnelles, des articles de journaux, des bribes de biographies, des éléments scientifiques, des apports très « science fictionnels ».

Cela ne facilite pas toujours la lecture et nuit à l’unité de l’ensemble, mais l’essentiel n’est pas là. Ce qui frappe aujourd’hui dans ce texte, qui date de cinquante ans, c’est l’actualité des thèmes, la pertinence des combats que pourraient porter, sans changer un mot, les apôtres contemporains de la défense de l’environnement.

Plus qu’une œuvre littéraire majeure, le roman de P. WYLIE vaut surtout pour son statut de témoignage. Il y a un demi-siècle, certains imaginaient donc déjà la catastrophe écologique à venir et dénonçaient, vigoureusement, l’absence de réactions de ceux qui savaient.
LA FIN DU REVE est bien un livre testament.

Edition du Livre de Poche n° 7059, 1979

LE CONTEXTE : un plaidoyer écologiste

En 2023, il ne reste, pour les USA et le Canada, qu’une seule « capitale administrative », FARAWAY (Etat de New-York), bourgade de 4.000 habitants, centre urbain du District Deux de la Région Six. Les restes du monde se répartissent en effet en quelques districts organisés : l’Europe et la Russie constituent le Un, la Chine le Cinq, etc.
Par ailleurs, quelques centaines de milliers d’individus errent sur la surface su globe. 99% de la population mondiale a été exterminée et c’est, timidement, qu’un ersatz de gouvernement planétaire se remet en place .

« Les calamités causées par l’homme à sa propre planète étaient d’une telle envergure, d’une telle variété, que l’idée même de sécurité était devenue une absurdité. » (p 15)

Toutefois, l’espoir reste vivace,

« Le ciel lui-même, habituellement opaque et couvert de nuages denses revenait à un bleu timide. Et partout ailleurs sur la planète dépeuplée, la nature manifestait des signes de reprise plus ou moins accentués. (p 16)

Ainsi, le niveau des mers redescend, la glace de l ‘Antarctique se reconstitue, la Nature se régénère, les espèces animales réapparaissent. Dans ce contexte d’ « humanité en convalescence », le responsable des Archives de la « Fondation pour la Préservation de l’Humanité » rédige un rapport sur l’évolution passée du monde avec la description des cataclysmes successifs qui ont dépeuplé la Terre.

Le roman est la retranscription partielle de ce rapport. On suit pas à pas, drames après drames, l’effondrement de la société humaine.
Récit plaidoyer, LA FIN DU REVE prône la décroissance, la frugalité et met en cause l’industrie, le productivisme, l’aveuglement des décideurs, la passivité des populations. En somme, tout ce que l’on retrouve aujourd’hui dans les programmes politiques des partis écologistes. La lecture, décalée dans le temps, est en ce sens fascinante.


LE DEROULEMENT : de 1970 à 2023, la marche inexorable vers la catastrophe

Même si l’auteur inscrit son message apocalyptique dans une intrigue minimaliste, celle-ci perd vite tout intérêt au profit de la présentation des calamités successives qui sapent progressivement la stabilité du monde civilisé.

Les années 70
Dès 1970, les déchets se sont accumulés, ont pollué les lacs et les mers, les pesticides et traitements divers ont contaminé les fleuves, l’industrie a exigé toujours plus d’énergie, dont la fabrication d’électricité n’était pas la moins néfaste.
Concrètement, les désastres se succèdent :

    • panne d’électricité sur New-York avec, vision prémonitoire, un avion qui percute un immeuble à Manhattan,
    • « brume délétère », d’origine industrielle, sur l’Est des Etats Unis, puis sur tout le pays,
    • gestion difficile des déchets nucléaires et grave problème posé par des Centrales que l’on ne peut refroidir,
    • prolifération d’une algue nocive et mort des cours d’eau.

Bien sûr, les responsables industriels, secteur par secteur, refusent les conséquences d’une limitation de l’activité économique, en accord avec le souhait des populations de préserver leur mode de vie consumériste.

Les années 80
Puis, tout s’accélère et les effets deviennent radicaux. New-York subit des millions de morts à cause d’un air vicié et mortel. Les mers meurent et les populations des zones côtières disparaissent.
Curieusement, l’auteur privilégie deux cataclysmes emblématiques : la maladie du riz qui provoque des centaines de millions de morts par famine, la multiplication de milliards de vers, sortis de la mer, qui dévorent toute vie animale et humaine. La fin des énergies complète ces scènes de terreur et signe la disparition presque totale de la population du globe.

En 2023
Le peu qui reste du monde tente de se reconstruire. Une gouvernance mondiale se met même en place.
Mais alors qu’une certaine renaissance est proche, tout-à-coup la ville de FARAWAY ne répond plus. Est-ce la troisième catastrophe ? Celle qui sera fatale à l’humanité ? Le roman le suggère dans sa dernière page :

« Ce pourrait être l’ultime cataclysme. Celui en trop. Quelque chose de notre propre fabrication, à quoi nous n’avons jamais pensé. Il ne faudrait plus grand chose maintenant pour supprimer les survivants, n’est-ce pas ? » (p 313)

CONCLUSION

Le message délivré par le roman est clair, la catastrophe écologique est inévitable. L’homme, par sa voracité et son insouciance a mis fin ainsi à sa présence sur la Terre.
L’alarme est étonnante, car elle nous parvient d’un temps lointain.
Les sceptiques auront beau jeu de faire remarquer, qu’en 2020, 50 ans plus tard donc, le monde tourne toujours. Mais en réponse, les militants écologistes pourront toujours brandir les craintes que leur inspire l’état actuel de la planète.
En ce sens, ce livre document est intéressant et peut nourrir le débat. Après tout, Philip WYLIE n’est-il pas l’un des premiers collapsologues ?

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